Les adaptations de livres en films sont souvent critiquées. Pourquoi ?
Généralement pour leur manque de fidélité à l’histoire originale, le manque d’éléments nécessaires à l’intrigue, ainsi que (le plus souvent) pour leur mauvaise qualité d’écriture ou de réalisation. Et c’est normal : retranscrire le contenu d’une œuvre de 300 pages dans un format cinématographique de 2 heures, ça demande une certaine habilité.
Les attentes des fans sont en plus souvent très élevées, car ils ont une vision très précise des personnages, de leur développement et de l’intrigue. Si le film ne correspond pas à leurs attentes, ils peuvent être déçus et très critiques envers l’adaptation.
Il y a ainsi une pression énorme pour les réalisateurs, soucieux de trouver un équilibre entre satisfaire les fans d’un ouvrage et créer une expérience cinématographique cohérente pour le grand public.
Mais le plus grand défi, c’est la différence entre le langage cinématographique et le langage littéraire. La littérature use de son format pour prendre le temps de développer ses personnages, faire des descriptions détaillées et des dialogues approfondis, tandis que les films doivent s’appuyer sur des images et des sons pour communiquer les mêmes informations. Un véritable challenge pour rendre l’histoire cohérente tout en créant une expérience cinématographique engageante. En somme, l’adaptation d’un livre en film peut être un défi majeur pour les cinéastes.
Cependant, malgré ces difficultés, les excellentes adaptations de romans en films sont nombreuses. En voici 3 d’entre elles que je trouve particulièrement réussies.
3. AU REVOIR LÀ-HAUT
ALBERT DUPONTEL

1er tome de la trilogie du romancier Pierre Lemaître, Au revoir Là-haut raconte l’histoire d’Albert Maillard (comptable) et Edouard Péricourt (dessinateur), deux rescapés de la Première Guerre mondiale, qui, pour se faire de l’argent, décident de monter une terrible arnaque : vendre des monuments aux morts fictifs. Une arnaque qui va attirer l’attention du lieutenant Pradelle…
Un parfait exemple d’une adaptation réussie, notamment quand on connaît le talent et la maîtrise d’Albert Dupontel à la réalisation. Le film rend un excellent hommage au livre de Pierre Lemaître.
En quoi cette adaptation est réussie ?
Déjà, l’ambiance de l’après-guerre et d’une France en reconstruction qu’on ressent pleinement dans le livre est exploitée de manière très visuelle dans le film grâce notamment aux décors, aux costumes et à la colorimétrie, ce qui nous plonge totalement au cœur de cette période noire de l’histoire.
Ensuite, la complexité des multiples personnages créés par Pierre Lemaitre est parfaitement retranscrite. Les traumas psychologiques de deux soldats survivants, les désillusions, la vie d’après, des aspects mentaux que l’on comprend et qui créent un sentiment d’empathie. L’aspect psychologique des personnages est sans aucun doute le point le plus difficile à transmettre pour un réalisateur, mais à travers les prestations des acteurs, notamment celles d’Albert Dupontel et Nahuel Pérez Biscayart, c’est ici un pari réussi !
Enfin, la construction de l’histoire telle qu’elle est écrite est magnifiquement montrée à la caméra. Comme dans le livre, les twits et les rebondissements sont présents et nous tiennent en haleine jusqu’à la fin. Albert Dupontel a réussi à conserver les principaux points de l’ouvrage : l’aspect de vengeance, de camaraderie et de corruption. Une adaptation qui fait honneur à l’œuvre originale !
Au revoir là-haut a été salué par la critique et a remporté plusieurs prix, notamment le César du meilleur réalisateur pour Albert Dupontel et du meilleur film en 2018.
2. MISERY
ROB REINER

De Cujo à ÇA! en passant évidemment par le chef d’œuvre Shining de Stanley Kubrick, des adaptations des romans de Stephen King ne manquent pas. Pourtant, elles sont loin d’être toutes brillantes.
Misery, sortie en 1990, est un thriller psychologique qui raconte l’histoire de Paul Sheldon, un célèbre écrivain de romans d’amour, victime d’un accident de voiture lors d’une tempête de neige. Il est secouru par Annie Wilkes, une infirmière qui se présente comme sa plus grande fan. Elle l’emmène chez elle pour le soigner, mais se révèle rapidement être une admiratrice obsessionnelle qui refuse de le laisser partir.
En quoi cette adaptation est réussie ?
La performance de Cathy Bates, redoutable dans le rôle d’une psychopathe névrosée victime d’un amour désabusé pour son romancier préféré. Sa performance reflète bien les traits de personnalité du personnage de l’œuvre originale : une femme instable, seule, qui souffre d’une relation para-sociale.
L’horreur propre à l’univers de King est sublimée par la réalisation de Rob Reiner, qui réussi à instaurer une ambiance assez malsaine, dérangeante. Un film immersif qui retranscrit très bien les scènes de violence et de torture que le lecteur a pu imaginer en lisant le bouquin. Le ressenti du spectateur est le même que le lecteur. De la même manière qu’on ferme le livre en se sentant mal à l’aise, on sort de la salle crispé.
Le succès critique et le succès d’estime de Misery aura valu à Cathy Bates l’Oscar de la meilleure actrice en 1991.
1. DU SILENCE ET DES OMBRES
ROBERT MULLIGAN

Disclaimer : c’est pour moi la meilleure adaptation d’un roman, qui fait d’ailleurs partie de mes livres préférés. Ce film m’a ému et m’a marqué à tout jamais.
Du silence et des ombres est l’adaptation du roman de Harper Lee, To Kill a Mockinbird, en français Ne tirez pas sur l’oiseau Moqueur, publié en 1960. Une œuvre majeure pour son autrice, qui ne sortira que deux ouvrages au cours de sa vie : celui-ci et sa suite, Va et poste une sentinelle.
L’histoire se déroule dans une petite ville de l’Alabama pendant la Grande Dépression et suit Scout, une jeune fille qui grandit en observant les inégalités raciales et la discrimination dans sa communauté. Le père de Scout, Atticus Finch, est un avocat qui défend un homme noir accusé de viol, ce qui met en évidence les préjugés et l’injustice du système judiciaire de l’époque.
En quoi cette adaptation est réussie ?
Le film parvient à capturer l’essence de l’histoire originale et à retranscrire avec brio les thèmes, les personnages et les dialogues du livre.
Gregory Peck sublime le rôle de l’avocat Atticus Finch. Il incarne parfaitement le personnage courageux et intègre, qui défend avec acharnement un homme noir accusé à tort de viol. Un homme attachant dans l’œuvre originale, et encore plus attachant dans le film de Mulligan, tout comme l’innocence et les questionnements de Scout, fille d’Atticus, que l’on comprend à travers les lignes et qui, à l’écran, se manifestent davantage.
Robert Mulligan manie avec précision le cadrage, l’éclairage et la musique du film, créant ainsi une tension dramatique propre à l’histoire originale.
Une adaptation subtile, émouvante et juste portée par des acteurs remarquables.