Le festival de Cannes reste un événement incontournable du 7e art où chaque année, des réalisateurs, des acteurs et des critiques du monde entier se rassemblent dans la célèbre ville de la Côte d’Azur pour assister à des projections exclusives de films internationaux. Un tremplin pour les cinéastes en herbe et une opportunité pour les professionnels de l’industrie.
Associer le Festival de Cannes aux polémiques relève de l’évidence.
Un film qui divise, une Palme d’or contestée… Chaque année, Cannes est sujet à débat dans la presse, sur les réseaux sociaux ou lors de discussions entre amis. Tel film mérite-t-il telle polémique ? Pourquoi ce film fait autant parler de lui sur la Croisette ?
On est en donc en droit de se poser une question : le public du festival de Cannes est-il hermétique au cinéma ?
Le Festival de Cannes est destiné à un public élitiste, figé dans une sphère intellectuelle et habitué au cinéma conventionnel. Paradoxalement, certains membres de cette sphère, et notamment les réalisateurs, tendent à proposer un cinéma moins conservateur, un cinéma en mouvement, qui déstabilise, questionne, provoque. Ne serait-ce pas là le rôle de l’art, nous remettre en question sur notre propre vie, sur nos propres croyances ? Si le public se sent bafoué et éjecté de sa zone de confort, c’est parce qu’il est confronté à l’inconnu, à des situations hors d’une sphère à laquelle il appartient, une sphère cloisonnée par la bien-pensance.
Partant de ce postulat, il est évident que chaque édition du festival amène son lot de controverses, qui peuvent naître pour diverses raisons : les sujets abordés dans les films, la manière dont ils sont représentés. Cela peut passer par la violence, qu’elle soit visuelle, verbale ou morale et qui peut entraîner un sentiment d’inconfort. Parfois, il s’agit de films qui ont été censurés dans leur pays d’origine, ou qui traitent de sujets politiquement sensibles ou controversés.
La 76e édition du Festival n’échappera sûrement pas à cette règle.
Il n’empêche que les débats et les controverses qui surgissent autour des projections de films ne font que souligner l’importance et la pertinence de cet événement unique en son genre.
Revenons sur 3 projections qui ont fait grincer des dents.
3. IRRÉVERSIBLE
GASPAR NOÉ

L’une des projections les plus controversées
et débattues de l’histoire du Festival !
Il n’est pas étonnant de retrouver Gaspar Noé ici. Le réalisateur est connu pour proposer un cinéma loin des normes conventionnelles auxquelles nous sommes habitués. Irréversible est un film qui a frappé fort lors de sa projection en 2002, avec des réactions très virulentes. Une œuvre brutale, éprouvante qui se déroule à l’envers et qui explore les thèmes de la violence, du sexe, accentuée par une réalisation qui crée une sensation de vertige, de malaise. Bref, toutes les conditions étaient réunies pour faire de ce film le chat noir du festival.
Irréversible raconte une histoire de vengeance qui met en scène Monica Bellucci, Vincent Cassel et Albert Dupontel. Après le viol d’Alex, une jeune femme, dans un souterrain à Paris, son compagnon Marcus et son ex-mari Pierre vont se lancer à la poursuite du criminel.
Vous vous en doutez, c’est cette fameuse scène de viol d’une durée de
9 minutes (scène qui marquera l’histoire du cinéma) qui a notamment suscité le plus d’agitation. Une scène insoutenable qui nous met face à une réalité infâme. La critique d’une société violente, une violence d’autant plus insupportable qu’on ne peut y échapper.
Vomissements, évacuation de salle, malaises, l’œuvre de Gaspar Noé n’aura pas laissé le public indifférent. Pourtant, on assiste quand même à une ovation de 20 minutes à la fin de la projection, le calme avant la tempête.
Après la diffusion du film, les réactions du public ne se font pas attendre : « Ignoble », « immoral», « Ce film devrait être interdit » Malgré tout, Irréversible aura reçu des critiques élogieuses de la presse, prônant l’oeuvre du réalisateur comme innovante, radicale.
2. TITANE
JULIA DUCOURNAU

Deuxième film de la réalisatrice française Julia Ducournau, qui avait déjà fait sensation en 2016 avec son film d’horreur « Grave« . La projection de Titane au Festival de Cannes en 2021 a été un moment marquant. Le film a suscité des réactions mitigées, certaines critiques saluant l’audace et l’originalité de l’œuvre, tandis que d’autres ont été choqués par son approche beaucoup trop crue. Comme pour Irréversible, on assiste à des malaises, des vomissements, des évacuations.
L’œuvre de Julia Ducournau est un mélange de genres osé et provocateur, combinant des éléments de science-fiction, d’horreur et de comédie noire.
L’histoire suit Alexia, une jeune femme ayant une blessure à la tête qui développe une attirance sexuelle pour les voitures. Après avoir commis un meurtre, elle se cache en se faisant passer pour un garçon et rencontre un pompier à la recherche de son fils depuis plus de 10 ans. Le film explore des thèmes profonds tels que la sexualité, la famille, l’identité et la violence.
Les critiques du public sont très tranchées. Les jeunes spectateurs acclament le film et saluent l’audace de la réalisatrice, tandis que les moins jeunes, peu habitués à ce genre de cinéma, crient au scandale, à la honte, à l’incompréhension face à la projection d’une telle oeuvre.
Titane est révélateur d’un fossé générationnel. Un fossé où le jeune public, progressiste et déconstruit, s’ouvre davantage à des réalisations créatives, brutes. Un public plus alerte et averti face à de telles propositions artistiques qui tendent à montrer le déclin d’une société toujours plus exigeante. Face à eux, un public un peu plus réfractaire à la nouveauté (ce n’est évidemment pas une généralité.) où l’inconfort d’une scène et la vision d’un réalisateur sont difficiles à accepter. D’ailleurs, les réactions suite à la diffusion du film en sont la preuve.
1. FUNNY GAMES
MICHAEL HANEKE

Présenté pour la première fois lors du Festival de Cannes en 1997, Funny Games est un thriller psychologique qui suit une famille prise en otage par deux jeunes hommes qui les soumettent à des jeux cruels et violents.
Le film explore les thèmes de la violence, de la cruauté et de la manipulation, et vise à provoquer une réflexion sur la fascination pour la violence dans les médias, dans les jeux vidéo, dans l’objectif de questionner le public sur sa fascination pour la violence à travers la fiction.
Aujourd’hui, Funny Games est considéré comme un classique de l’horreur. Michael Haneke, réalisateur du film original, a également réalisé un remake américain en 2007, reprenant quasiment plan pour plan la version de 1997.
La projection du film à Cannes a suscité des réactions extrêmement polarisées. D’un côté, certains critiques ont salué la performance de l’acteur principal, Ulrich Mühe, ainsi que la direction de Haneke. D’autres ont été choqués et indignés par la violence psychologique de l’œuvre et le malaise enduré par le spectateur pendant 1h50.